Partie I (Thème de l’atelier d’écriture : à la folie) >>>
Partie II (Thème : à la folie) >>>
Partie III (Thème : Noir) >>>
Partie IV (Thème : Plézi) >>>

Partie V – Thème : An ba chenn-la
Je ne cesse de regarder Baron prendre soin de moi, enfin prendre soin de mon corps physique !
Il le contemple, l’admire, lui prodigue tout les soins infirmiers dont il pourrait avoir besoin. Il peut passer des heures à le masser, lui faire des bains de feuilles, j’imagine à quel point je dois sentir bon ! Je ne devrais sûrement plus parler de ce corps comme étant le mien, il ne l’est plus à présent !
Dois-je me considérer comme morte ou espérer être dans une sorte de purgatoire ? Vais-je pouvoir retrouver mon corps, ma vie ?
Je me sens de plus en plus lourde, je peine à avancer, j’ai l’impression d’être enchaînée, je sens des chaînes mais je ne les vois pas. Si je suis morte pourquoi ne suis-je pas libre de mes mouvements ?
J’ai l’impression de errer comme une âme en peine, je n’ai pas de réel but, j’attends que mes lwas reviennent vers moi, je ne veux pas les presser ! Après tout ils ne sont pas obligés de m’aider, ils ne sont pas à ma disposition donc je suppose que je ne peux qu’attendre qu’ils me fassent signe et me donnent la nouvelle marche à suivre !
Mon seul passe-temps est de regarder ce qui se passe dans le monde visible, comme si je regardais un programme télé, j’ai les images mais sans le son. Note à moi-même : apprendre à lire sur les lèvres dans ma prochaine réincarnation, ça pourra toujours servir !

Baron habite pourtant le corps de Manno mais rien dans sa gestuelle n’est comparable à la sienne ! J’ai l’impression qu’il rend le corps de Manno beaucoup plus beau, sa démarche…. Sa démarche !! Il dégage un tel charisme que j’arrive à me demander si je ne commence pas à éprouver quelque chose pour lui ! Cela ne peut pas arriver, il m’a volé ma vie, comment pourrais-je bien être attirée par lui ? Il devrait pourtant me répugner avec ses manières vulgaires. Il faut que j’arrête de le surveiller, j’ai l’impression de devenir folle à imaginer pouvoir ressentir les baisers qu’il dépose sur mon corps, les caresses, pouvoir sentir son odeur…. Par contre ne plus entendre sa voix ne me déplaît pas, il peut être tellement vulgaire dans ses propos !
Depuis que certains flashs me sont revenus quelques instant avant que je ne quitte mon corps, une partie des questions que je pouvais me poser ont trouvé leurs réponses. C’est plus ou moins clair à présent, les rêves que je pensais être des rêves érotiques était tout simplement des rapports que j’avais avec Baron, toujours les lundis et les samedis. Ces jours doivent être les jours qui lui sont associés, j’ai l’impression d’avoir toujours été consentante. L’étais je vraiment? Était-ce bien moi qui couchais avec lui ? J’ai l’impression de devenir folle à ne plus savoir ce qui est réel ou non !
Un bruit de clés semble s’avancer vers moi, ça fait du bien d’entendre de nouveau du bruit quel qu’il soit, ce silence commençait à avoir raison de ma raison !
Il me regarde de manière si intense que je ne peux que rester statique, son flux d’énergie est si palabre qu’il fait rayonner les alentours.
Je ne sais pas si c’est possible mais j’ai la sensation qu’il est entrain d’aligner mes Chakras.
-Sak pase ??
-Nap boule !!
-Que fais-tu encore ici ?
-Je ne saurais te le dire.
-Tu es venue me tenir compagnie comme lorsque tu étais enfant ?
-J’aurais bien aimé !! Je suis ici malheureusement contre mon gré.
-Wap pase ´m nan tenten ?
-Tonè boule ´m Mwen pa konn sa pou ´m fè non !
Il n’a pas changé, il est resté le même que dans mes souvenirs. Ses habits sont si simples, toujours avec son chapeau de paille, sa canne à la main et sa pipe à la bouche. Il a tendance à jouer au vieillard pour tromper son monde en accentuant le fait qu’il boite, mais physiquement il a un corps d’athlète. Ses chiens sont là aussi, toujours aussi silencieux. Je ne pense pas les avoir déjà entendu aboyer, les dobermans leur ressemblent beaucoup.
Nous marchons dans dans les allées du monde invisible doucement, très doucement j’ai l’impression d’avoir des chaînes aux pieds qui m’empêchent de marcher correctement, lui boite tellement que j’ai l’impression qu’il va finir par se retrouver à terre ! Heureusement qu’il a sa canne qu’il ne quitte jamais. Je suis sûr qu’il sur joue sa démarche. Avant même que j’ai eu le temps de lui faire une réflexion, il m’a répondu :
-S’il marche en boitant, c’est parce qu’il marche dans deux mondes à la fois, celui des vivants celui des esprits.
Sa canne doit lui servir de passerelle entre les deux mondes, Enfin je ne fais que supposer ! La seule chose que je sais c’est qu’il est l’un des lwas les plus anciens et l’un des plus puissants.
Tout commence et ce termine par lui !
Il ne comprend pas pourquoi je n’avance pas plus vite, à croire qu’il ne voit pas les boulets que je traîne. Il me fait comprendre d’un regard qu’il ne tient qu’à moi de me délivrer, qu’il pourrait très bien le faire mais qu’il faut que ça vienne de moi !!
Tout semble toujours être un jeu d’enfant avec lui, mais pour moi ça équivaut à me demander de m’échapper d’un lieu clos sans porte de sortie.
Nous sommes arrivés à un Carrefour, celui de la « Croisée des Chemins », il y a du monde qui attend. Manno est là, accroupi comme s’il était dans une autre sphère, il ne semble pas remarquer la présence de quiconque ! Il me ferait presque de la peine si nous n’étions pas arrivés là par sa faute !
Je remarque que plusieurs vèvès sont dessinés au sol, les trois plus grandes catégories de lwas sont représentés : Les Rada, les Petro et les Guede !
J’ai l’impression d’être dans une cour de Péristyle vodou. Je me retrouve au centre comme un Potomitan, tous les regards sont posés sur moi. Ils attendent sûrement que je les salue !
Je commence par saluer mes lwas Rasin : Ogou Feray et Erzuli Dantor,
Puis mes lwas Achte : Damballa Wedo et Ayida Wedo et pour finir mes lwas Mèt Tèt : Papa Legba et Simbi Anpaka !
C’est la première fois qu’ils sont tous réunis en même temps, l’heure est sûrement grave !
Legba : kisa wap fè la depi tann dat sa ? M’pa konnen non.
Dantor : ou panse ke nou pa konn ki moun ou ye ? Ki moun Mwen ye ? Di ´m non !
Ogou : pa fèm pèdi tanm nan ou tande ? Si Mwen pa N’Da ki moun mwen ye ??
Legba, Ogou, Dantor , Damballa….
BRIIIIIIIJJJJJIIIIT !!!!!!!!!! Tonè

Texte : Val Ayiti Sekh Met